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LA JOIE DE VIVRE.

porte, il aperçut Pauline, les bras nus, qui se peignait dans son lit.

— Oh ! pardon ! murmura-t-il en se rejetant en arrière.

— Quoi donc ? cria-t-elle, je te fais peur ?

Alors, il se décida, mais il craignait de l’embarrasser, il détournait la tête, pendant qu’elle achevait de rattacher ses cheveux.

— Tiens ! passe-moi une camisole, dit-elle tranquillement. Là, dans le premier tiroir… Je vais mieux, je redeviens coquette.

Lui, se troublait, ne trouvait que des chemises. Enfin, quand il lui eut jeté une camisole, il attendit devant la fenêtre qu’elle se fût boutonnée jusqu’au menton. Quinze jours plus tôt, lorsqu’il la croyait à l’agonie, il la levait sur ses bras comme une petite fille, sans voir qu’elle était nue. À cette heure, le désordre même de la chambre le blessait. Et elle aussi, gagnée par sa gêne, en arriva bientôt à ne plus demander les services intimes qu’il lui avait rendus un instant.

— Véronique, ferme donc la porte ! cria-t-elle un matin, en entendant le jeune homme marcher dans le corridor. Cache tout ça, et donne-moi ce fichu.

Pauline, cependant, allait de mieux en mieux. Son grand plaisir, lorsqu’elle put se tenir debout et s’accouder à la fenêtre, fut de suivre, au loin, la construction des épis. On entendait nettement les coups de marteau, on voyait l’équipe de sept ou huit hommes, dont les taches noires s’agitaient comme de grandes fourmis, sur les galets jaunes de la plage. Entre deux marées, ils se bousculaient ; puis, ils devaient reculer devant le flot montant. Mais Pauline, surtout, s’intéressait au veston blanc de Lazare et à