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V

Chaque soir, dans la salle à manger, lorsque Véronique avait enlevé la nappe, la même conversation recommençait entre madame Chanteau et Louise ; tandis que Chanteau, absorbé par la lecture de son journal, se contentait de répondre d’un mot aux rares questions de sa femme. Durant les quinze jours où Lazare avait cru Pauline en danger, il n’était même pas descendu pour se mettre à table ; maintenant, il dînait en bas, mais dès le dessert il remontait près de la convalescente ; et il était à peine dans l’escalier, que madame Chanteau reprenait ses plaintes de la veille.

D’abord, elle se faisait tendre.

— Pauvre enfant, il s’épuise… Ce n’est pas raisonnable vraiment de risquer ainsi sa santé. Voici trois semaines qu’il ne dort plus… Il a encore pâli depuis hier.

Et elle plaignait aussi Pauline : la chère petite souffrait beaucoup, on ne pouvait passer une minute en haut, sans avoir le cœur retourné. Mais, peu à peu, elle en venait au dérangement que cette malade causait dans la maison : tout restait en l’air, impossible de manger quelque chose de chaud, c’était à ne plus savoir si l’on vivait. Là, elle s’interrompait pour demander à son mari :