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gorge. Il était près de six heures, le jour se levait, lorsque le médecin se retira.

— Je reviendrai vers midi, dit-il à Lazare dans le corridor. Tranquillisez-vous… Il n’y a que de la souffrance.

— N’est-ce donc rien, la souffrance ! cria le jeune homme que le mal indignait. On ne devrait pas souffrir.

Cazenove le regarda, puis leva les bras au ciel, devant une prétention si extraordinaire.

Lorsque Lazare revint dans la chambre, il envoya sa mère et Véronique se coucher un instant : lui, n’aurait pu dormir. Et il vit le jour se lever dans la pièce en désordre, cette aube lugubre des nuits d’agonie. Le front contre une vitre, il regardait désespérément le ciel livide, lorsqu’un bruit lui fit tourner la tête. Il croyait que Pauline se levait. C’était Mathieu, oublié de tous, qui avait enfin quitté le dessous du lit, pour s’approcher de la jeune fille, dont une main pendait hors des couvertures. Le chien léchait cette main avec tant de douceur, que Lazare, très ému, le prit par le cou, en disant :

— Tu vois, mon pauvre gros, la maîtresse est malade… Mais ce ne sera rien, va ! Nous irons encore galoper tous les trois.

Pauline avait ouvert les yeux, et malgré la contraction douloureuse de sa face, elle souriait.

Alors, commença l’existence d’angoisses, le cauchemar que l’on vit dans la chambre d’un malade. Lazare, cédant à un sentiment d’affection sauvage, en chassait tout le monde ; c’était à peine s’il laissait sa mère et Louise entrer le matin, pour prendre des nouvelles, et il n’admettait que Véronique, chez laquelle il sentait une tendresse véritable. Les pre-