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lemment l’armoire, pour retrouver ses anciens livres de médecine ; et, penché devant la commode, feuilletant les pages de ses doigts tremblants, il essayait de se rappeler ses cours d’autrefois. Mais tout se brouillait, se confondait, il retournait sans cesse à la table des matières, ne trouvant plus rien.

— Ce n’est sans doute qu’une forte migraine, répétait madame Chanteau, qui s’était assise. Le mieux serait de la laisser dormir.

Alors, il éclata.

— Une migraine ! une migraine !… Écoute, maman, tu m’agaces, à rester là tranquille. Descends faire chauffer de l’eau.

— Il est inutile de déranger Louise, n’est-ce pas ? demanda-t-elle encore.

— Oui, oui, complètement inutile… Je n’ai besoin de personne. J’appellerai.

Quand il fut seul, il revint prendre la main de Pauline, pour compter les pulsations. Il en compta cent quinze. Et il sentit cette main brûlante qui serrait longuement la sienne. La jeune fille, dont les paupières lourdes restaient fermées, mettait dans son étreinte un remerciement et un pardon. Si elle ne pouvait sourire, elle voulait lui faire comprendre qu’elle avait entendu, qu’elle était bien touchée de le savoir là, seul avec elle, ne pensant plus à une autre. D’habitude, il avait l’horreur de la souffrance, il se sauvait à la moindre indisposition des siens, en mauvais garde-malade, si peu sûr de ses nerfs, disait-il, qu’il craignait d’éclater en sanglots. Aussi éprouvait-elle une surprise pleine de gratitude, à le voir se dévouer de la sorte. Lui-même n’aurait pu dire quelle chaleur le soulevait, quel besoin de s’en fier uniquement à lui, pour la soulager. La pression