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semblait ne pas sentir. Elle répondit d’une voix rauque :

— Laisse-moi tranquille, je suis très bien.

— Oh ! Lazare, je vous en prie, disait Louise désolée, forcez-la donc à venir… Nous tiendrons tous les trois.

Mais Pauline ne daignait même plus refuser, dans son obstination farouche. Elle était bien, pourquoi la dérangeait-on ? Et, comme, à bout de supplications, il reprenait :

— C’est imbécile, courons chez Houtelard !

Elle déclara rudement :

— Courez où vous voudrez… Puisqu’on est venu pour voir, moi je veux voir.

Les pêcheurs avaient fui. Elle demeurait sous l’averse, immobile, tournée vers les poutres, que les vagues recouvraient complètement. Ce spectacle semblait l’absorber, malgré la poussière d’eau où maintenant tout se confondait, une poussière grise qui montait de la mer, criblée par la pluie. Sa robe ruisselante se marquait, aux épaules et aux bras, de larges taches noires. Et elle ne consentit à quitter la place que lorsque le vent d’ouest eut emporté le nuage.

Tous trois revinrent en silence. Pas un mot de l’aventure ne fut dit à l’oncle ni à la tante. Pauline était allée rapidement changer de linge, pendant que Lazare racontait la réussite complète de l’expérience. Le soir, à table, elle fut reprise d’un accès de fièvre ; mais elle prétendait ne pas souffrir, malgré la gêne évidente qu’elle éprouvait à avaler chaque bouchée. Même elle finit par répondre brutalement à Louise, qui s’inquiétait d’un air tendre, et lui demandait sans cesse comment elle se trouvait.