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lages ; tandis que, de plus en plus sombre, elle ne le laissait pas une minute seul avec Louise, étudiant leurs moindres gestes, agonisant le soir, dans sa chambre, lorsqu’elle les avait vus se parler bas, au retour de la plage.

Les travaux marchaient. Une équipe de charpentiers, après avoir cloué de fortes planches sur une rangée de pieux, achevait de poser un premier épi. C’était un simple essai du reste, ils se hâtaient en prévision d’une grande marée ; si les pièces de bois résistaient, on compléterait le système de défense. Le temps, par malheur, était exécrable. Des averses tombaient sans relâche, tout Bonneville se faisait tremper pour voir enfoncer les pieux à l’aide d’un pilon. Enfin, le matin du jour où l’on attendait la grande marée, un ciel d’encre assombrissait la mer ; et, dès huit heures, la pluie redoubla, noyant l’horizon d’une brume glaciale. Ce fut une désolation, car on avait projeté la partie d’aller assister en famille à la victoire des planches et des poutres, sous l’attaque des grandes eaux.

Madame Chanteau décida qu’elle resterait près de son mari, encore très souffrant. Et l’on fit les plus grands efforts pour retenir Pauline, qui avait la gorge irritée depuis une semaine : elle était enrouée légèrement, un petit mouvement de fièvre la prenait chaque soir. Mais elle repoussa tous les conseils de prudence, elle voulut aller sur la plage, puisque Lazare et Louise s’y rendaient. Cette Louise, d’allures si fragiles, toujours près de l’évanouissement, était au fond d’une force nerveuse surprenante, lorsqu’un plaisir la tenait debout.

Tous trois partirent donc après le déjeuner. Un coup de vent venait de balayer les nuages, des rires