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se fondait en promesses de bonheur. Il lui semblait qu’il la découvrait brusquement, il ne reconnaissait pas la fillette maigre de jadis. Était-ce possible que les longues années du pensionnat en eussent fait cette jeune fille si troublante, pleine de l’homme dans sa virginité, ayant au fond de ses yeux limpides le mensonge de son éducation ? Et il se prenait peu à peu pour elle d’un goût singulier, d’une passion perverse, où son ancienne amitié d’enfant tournait à des raffinements sensuels.

Lorsque Pauline put quitter la chambre de son oncle, et qu’elle se remit à accompagner Lazare, elle sentit tout de suite, entre ce dernier et Louise, un air nouveau, des regards, des rires dont elle n’était pas. Elle voulait se faire expliquer ce qui les égayait, et elle n’en riait guère. Les premiers jours, elle resta maternelle, les traitant en jeunes fous qu’un rien amuse. Mais, bientôt elle devint triste, chaque promenade parut être pour elle une fatigue. Aucune plainte ne lui échappait, d’ailleurs ; elle parlait de continuelles migraines ; puis, quand son cousin lui conseillait de ne pas sortir, elle se fâchait, ne le quittait plus, même dans la maison. Une nuit, vers deux heures, comme il ne s’était pas couché, pour achever un plan, il ouvrit sa porte, étonné d’entendre marcher ; et sa surprise augmenta, lorsqu’il l’aperçut, en simple jupon, sans lumière, penchée sur la rampe, écoutant les bruits des chambres, au-dessous. Elle raconta qu’elle-même avait cru saisir des plaintes. Mais ce mensonge lui empourprait les joues, il rougit aussi, traversé d’un doute. Dès lors, sans autre explication, il y eut une fâcherie entre eux. Lui, tournait la tête, la trouvait ridicule de bouder de la sorte, pour des enfantil-