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Pauline les regardait, surprise. Si les misérables étaient propres, on n’aurait pas besoin de les nettoyer. Le mal et la misère se tenaient, elle n’avait aucune répulsion devant la souffrance, même lorsqu’elle semblait le résultat du vice. D’un geste large, elle se contenta de dire la tolérance de sa charité. Et elle promettait à la petite Gonin d’aller voir son père, lorsque Véronique parut, en poussant devant elle une autre fillette.

— Tenez ! mademoiselle, en voici encore une !

Cette dernière, toute jeune, cinq ans au plus, était complètement en loques, la figure noire, les cheveux embroussaillés. Aussitôt, avec l’aplomb extraordinaire d’un petit prodige déjà rompu à la mendicité des grandes routes, elle se mit à geindre.

— Ayez pitié… Mon pauvre père qui s’est cassé la jambe…

— C’est la fille des Tourmal, n’est-ce pas ? demandait Pauline à la bonne.

Mais le curé s’emportait.

— Ah ! la gueuse ! Ne l’écoutez pas, il y a vingt-cinq ans que son père s’est foulé le pied… Une famille de voleurs qui ne vit que de rapines ! Le père aide à la contrebande, la mère ravage les champs de Verchemont, le grand-père va la nuit ramasser des huîtres à Roqueboise, dans le parc de l’État… Et vous voyez ce qu’ils font de leur fille : une mendiante, une voleuse qu’ils envoient chez les gens pour rafler tout ce qui traîne… Regardez-la loucher du côté de ma tabatière.

En effet, les yeux vifs de l’enfant, après avoir fouillé les coins de la terrasse, s’étaient allumés d’une courte flamme, à la vue de la vieille tabatière du prêtre. Mais elle ne perdait pas son aplomb, elle