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— Asseyez-vous, asseyez-vous, répétait Chanteau.

Alors les choses furent vivement réglées. Madame Chanteau affectait de disparaître, laissant jouer à son mari le rôle qu’elle lui faisait répéter depuis la veille. Pour se conformer à la loi, celui-ci, dix jours auparavant, avait remis à Pauline, assistée du docteur, les comptes de tutelle, qui formaient un épais cahier, les recettes d’un côté, les dépenses de l’autre ; on avait tout déduit, non seulement la pension de la pupille mais encore les frais d’actes, les voyages à Caen et à Paris. Il ne s’agissait donc plus que d’accepter les comptes par sous-seings privés. Mais Cazenove, prenant sa mission de curateur au sérieux, voulut élever une contestation au sujet des affaires de l’usine ; et il força Chanteau à entrer dans certains détails. Pauline regardait le docteur d’un air suppliant. À quoi bon ? elle avait elle-même aidé à collationner ces comptes, que sa tante avait écrits de son anglaise la plus déliée.

Cependant, la Minouche s’était assise au milieu de l’édredon, pour mieux regarder cette étrange besogne. Mathieu, après avoir sagement allongé sa grosse tête au bord du tapis, venait de se mettre sur le dos, cédant à la jouissance d’être dans de la bonne laine chaude ; et il se frottait, il se roulait, en poussant des grognements d’aise.

— Lazare, fais-le donc taire ! dit enfin madame Chanteau impatientée. On ne s’entend pas.

Debout devant la fenêtre, le jeune homme suivait au loin une voile blanche, pour dissimuler sa gêne. Il éprouvait une honte, à écouter son père, qui détaillait précisément les sommes englouties dans le désastre de l’usine.

— Tais-toi, Mathieu, dit-il en allongeant le pied.