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— Hein ? le docteur Cazenove… Il est un peu dans nos confidences, il ne refusera pas.

Chanteau approuvait d’un hochement de tête. Mais il regardait fixement sa femme, une idée le préoccupait.

— Alors, finit-il par demander, tu rendras l’argent, je veux dire ce qui reste ?

Elle ne répondit pas tout de suite. Ses yeux s’étaient baissés, elle feuilletait le Code d’une main nerveuse. Puis, avec effort :

— Sans doute, je le rendrai, et ce sera même un bon débarras pour nous. Tu vois ce dont on nous accuse déjà… Ma parole ! on en viendrait à douter de soi-même, je donnerais cent sous pour ne plus l’avoir ce soir dans mon secrétaire. Et, d’ailleurs, il aurait toujours fallu le rendre.

Dès le lendemain, le docteur Cazenove étant venu faire à Bonneville sa tournée du samedi, madame Chanteau lui parla du grand service qu’ils attendaient de son amitié. Elle lui avoua la situation, l’argent englouti dans le désastre de l’usine, sans qu’on eût jamais consulté le conseil de famille ; ensuite, elle insista sur le mariage projeté, sur le lien de tendresse qui les unissait tous et que le scandale d’un procès allait rompre.

Avant de promettre son aide, le docteur désira causer avec Pauline. Depuis longtemps, il la sentait exploitée, mangée peu à peu ; si, jusque-là, il avait pu se taire, de crainte de la chagriner, son devoir était de la prévenir, à présent qu’on tentait de le prendre pour complice. L’affaire se débattit dans la chambre de la jeune fille. Sa tante assista au début de l’entretien ; elle avait accompagné le docteur pour déclarer que le mariage dépendait maintenant de