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LES ROUGON-MACQUART.

ses idées de justice, elle finissait par éclater en sanglots, en balbutiant qu’il rougissait sans doute d’elle, puisqu’il lui rappelait toujours le crime de son père. Ces discussions se terminaient dans les larmes, dans une émotion commune. Mais l’enfant avait beau pleurer, reconnaître qu’elle avait peut-être tort, elle gardait tout au fond d’elle sa sauvagerie, son emportement sanguin. Une fois, elle raconta avec de longs rires comment un gendarme devant elle, en tombant de cheval, s’était cassé la jambe. D’ailleurs Miette ne vivait plus que pour Silvère. Quand celui-ci la questionnait sur son oncle et sur son cousin, elle répondait « qu’elle ne savait pas, » et s’il insistait, par crainte qu’on la rendît trop malheureuse au Jas-Meiffren, elle disait qu’elle travaillait beaucoup, que rien n’était changé. Elle croyait pourtant que Justin avait fini par savoir ce qui la faisait chanter le matin et lui mettait de la douceur plein les yeux. Mais elle ajoutait :

— Qu’est-ce que ça fait ? s’il vient jamais nous déranger, nous le recevrons, n’est-ce pas, de telle façon, qu’il n’aura plus l’envie de se mêler de nos affaires.

Cependant, la campagne libre, les longues marches en plein air, les lassaient parfois. Ils revenaient toujours à l’aire Saint-Mittre, à l’allée étroite, d’où les avaient chassés les soirées d’été bruyantes, les odeurs trop fortes des herbes foulées, les souffles chauds et troublants. Mais, certains soirs, l’allée se faisait plus douce, des vents la rafraîchissaient, ils pouvaient demeurer là sans éprouver de vertige. Ils goûtaient alors des repos délicieux. Assis sur la pierre tombale, l’oreille fermée au tapage des enfants et des bohémiens, ils se retrouvaient chez eux. Silvère avait ramassé à plusieurs reprises des fragments d’os, des débris de crâne, et ils aimaient à parler de l’ancien cimetière. Vaguement, avec leur imagination vive, ils se disaient que leur amour avait poussé, comme une belle plante robuste et grasse, dans ce terreau, dans ce coin de terre fertilisé par la mort. Il y