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LES ROUGON-MACQUART

Saccard et Maxime marchaient à petits pas, au bras l’un de l’autre. Le père avait dû rendre visite au fils, et tous deux étaient descendus de l’avenue de l’Impératrice jusqu’au lac, en causant.

— Tu m’entends, répétait Saccard, tu es un nigaud… Quand on a de l’argent comme toi, on ne le laisse pas dormir au fond de ses tiroirs. Il y a cent pour cent à gagner dans l’affaire dont je te parle. C’est un placement sûr. Tu sais bien que je ne voudrais pas te mettre dedans !

Mais le jeune homme semblait ennuyé de cette insistance. Il souriait de son air joli, il regardait les voitures.

— Vois donc cette petite femme là-bas, la femme en violet, dit-il tout à coup. C’est une blanchisseuse que cet animal de Mussy a lancée.

Ils regardèrent la femme en violet. Puis Saccard tira un cigare de sa poche et, s’adressant à Maxime qui fumait :

— Donne-moi du feu.

Alors ils s’arrêtèrent un instant, face à face, rapprochant leurs visages. Quand le cigare fut allumé :

— Vois-tu, continua le père, en reprenant le bras du fils, en le serrant étroitement sous le sien, tu serais un imbécile si tu ne m’écoutais pas. Hein ! est-ce entendu ? M’apporteras-tu demain les cent mille francs ?

— Tu sais bien que je ne vais plus chez toi, répondit Maxime en pinçant les lèvres.

— Bah ! des bêtises ! il faut que ça finisse, à la fin !

Et, comme ils faisaient quelques pas en silence, au moment où Renée, se sentant défaillir, enfonçait la tête dans le capiton du coupé, pour ne pas être vue, une rumeur grandit, courut le long de la file des voitures. Sur