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LES ROUGON-MACQUART

taire ; M. Simpson était le plus étrange conducteur de cotillon qu’on pût voir ; il se livrait à des imaginations fantasques et malicieuses ; dans un salon où l’on avait eu l’imprudence de le choisir, on racontait qu’il avait forcé les dames à sauter par-dessus des chaises, et qu’une de ses figures favorites était de faire marcher tout le monde à quatre pattes autour de la pièce.

— Est-ce que M. de Saffré est parti ? demanda une voix d’enfant.

Il partait, il faisait ses adieux à la belle madame Saccard, avec laquelle il était au mieux, depuis qu’elle ne voulait pas de lui. Ce sceptique aimable avait l’admiration des caprices des autres. On le ramena triomphalement du vestibule. Il se défendait, il disait avec un sourire qu’on le compromettait, qu’il était un homme sérieux. Puis, devant toutes les mains blanches qui se tendaient vers lui :

— Allons, dit-il, prenez vos places… Mais je vous préviens que je suis classique. Je n’ai pas pour deux liards d’imagination.

Les couples s’assirent autour du salon, sur tous les sièges qu’on put réunir ; des jeunes gens allèrent chercher jusqu’aux chaises de fonte de la serre. C’était un cotillon monstre. M. de Saffré, qui avait l’air recueilli d’un prêtre officiant, choisit pour dame la comtesse Vanska, dont le costume de Corail le préoccupait. Quand tout le monde fut en place, il jeta un long regard sur cette file circulaire de jupes flanquées chacune d’un habit noir. Et il fit signe à l’orchestre, dont les cuivres sonnèrent. Des têtes se penchaient le long du cordon souriant des visages.

Renée avait refusé de prendre part au cotillon. Elle était