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LES ROUGON-MACQUART

— Qu’est-ce que M. de Saffré a bien pu te dire, pour que tu sois si furieuse ? Est-ce qu’il t’a trouvée laide ?

— Oh ! lui répondit-elle, c’est un vilain homme. Jamais je n’aurais cru qu’un monsieur si distingué, si poli chez moi, parlât une telle langue. Mais je lui pardonne. Ce sont les femmes qui m’ont agacée. On aurait dit des marchandes de pommes. Il y en avait une qui se plaignait d’avoir un clou à la hanche, et, un peu plus, je crois qu’elle aurait relevé sa jupe pour faire voir son mal à tout le monde.

Maxime riait aux éclats.

— Non, vrai, continua-t-elle en s’animant, je ne vous comprends pas, elles sont sales et bêtes… Et dire que, lorsque je te voyais aller chez ta Sylvia, je m’imaginais des choses prodigieuses, des festins antiques, comme on en voit dans les tableaux, avec des créatures couronnées de roses, des coupes d’or, des voluptés extraordinaires… Ah ! bien, oui. Tu m’as montré un cabinet de toilette malpropre et des femmes qui juraient comme des charretiers. Ça ne vaut pas la peine de faire le mal.

Il voulut se récrier, mais elle lui imposa silence, et, tenant du bout des doigts un os de perdreau qu’elle rongeait délicatement, elle ajouta d’une voix plus basse :

— Le mal, ce devrait être quelque chose d’exquis, mon cher… Moi qui suis une honnête femme, quand je m’ennuie et que je commets le péché de rêver l’impossible, je suis sûre que je trouve des choses beaucoup plus jolies que les Blanche Muller.

Et, d’un air grave, elle conclut par ce mot profond de cynisme naïf :

— C’est une affaire d’éducation, comprends-tu ?

Elle déposa doucement le petit os dans son assiette. Le