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LES ROUGON-MACQUART.

langre bien qu’il eût préféré rester complètement dans l’ombre.

— Vous avez eu tort de me nommer tout de suite, lui dit-il rudement en la voyant si émue, si abandonnée devant lui. Mais vous êtes comme toutes les femmes, les meilleures causes se gâtent dans vos mains.

Elle le regarda, surprise de cette sortie brutale, reculant, éprouvant cette sensation d’épouvante qu’elle ressentait parfois encore en face de sa soutane. Il lui semblait que des mains de fer se posaient sur ses épaules et la pliaient. Pour tout prêtre, la femme, c’est l’ennemie. Lorsqu’il la vit révoltée sous cette correction trop sévère, il se radoucit, murmurant :

— Je ne pense qu’au succès de votre noble projet… J’ai peur d’en compromettre le succès, si je m’en occupe. Vous savez qu’on ne m’aime guère dans la ville.

Marthe, en voyant son humilité, l’assura qu’il se trompait, que toutes ces dames avaient parlé de lui dans les meilleurs termes. On savait qu’il soutenait sa mère, qu’il menait une vie retirée, digne de tous les éloges. Puis, jusqu’à onze heures, ils causèrent du grand projet, revenant sur les moindres détails. Ce fut une soirée charmante.

Mouret avait saisi quelques mots, entre deux coups de carte.

— Alors, dit-il, lorsqu’on alla se coucher, vous supprimez le vice à vous deux… C’est une belle invention.

Trois jours plus tard, le comité des dames patronnesses se trouvait constitué. Ces dames ayant nommé Marthe présidente, celle-ci, sur les recommandations de sa mère, qu’elle consultait en secret, s’était empressée de désigner madame Paloque comme trésorière. Toutes deux se donnaient beaucoup de mal, rédigeant des circulaires, s’occupant de mille détails intérieurs. Pendant ce temps, madame de Condamin allait de la sous-préfecture à l’évêché, et de