serrait la main avec un subit emportement, dont la violence dépassait la simple expression de leur camaraderie.
Mais surtout Jacques, dans le ménage, demeurait une distraction. Séverine, elle aussi, l’accueillait gaiement, poussait un léger cri, dès son entrée, en femme qu’un plaisir réveille. Elle lâchait tout, sa broderie, son livre, s’échappait, en paroles et en rires, de la grise somnolence où elle passait les journées.
— Ah ! que c’est gentil d’être venu ! J’ai entendu l’express, j’ai pensé à vous.
Quand il déjeunait, c’était fête. Elle connaissait déjà ses goûts, sortait elle-même pour lui avoir des œufs frais : tout cela très gentiment, en bonne ménagère qui reçoit l’ami de la maison, sans qu’il pût y voir encore autre chose que l’envie d’être aimable et le besoin de se distraire.
— Vous savez, lundi, revenez ! il y aura de la crème.
Seulement, lorsque, au bout d’un mois, il fut là, installé, la séparation s’aggrava entre les Roubaud. La femme, de plus en plus, se plaisait au lit toute seule, s’arrangeait pour s’y rencontrer le moins possible avec son mari ; et ce dernier, si ardent, si brutal aux premiers temps du mariage, ne faisait rien pour l’y retenir. Il l’avait aimée sans délicatesse, elle s’y était résignée avec sa soumission de femme complaisante, pensant que les choses devaient être ainsi, n’y goûtant du reste aucun plaisir. Mais, depuis le crime, cela, sans qu’elle sût pourquoi, lui répugnait beaucoup. Elle en était énervée, effrayée. Un soir, comme la bougie n’était pas éteinte, elle cria : sur elle, dans cette face rouge, convulsée, elle avait cru revoir la face de l’assassin ; et, dès lors, elle trembla chaque fois, elle eut l’horrible sensation du meurtre comme s’il l’eût renversée, un couteau au poing. C’était fou, mais son cœur battait d’épouvante. De moins en moins, d’ailleurs, il abusait d’elle, la sentant trop rétive pour s’y plaire.