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place, hein ? une préfecture, ou bien une recette ; non, pas une recette, c’est trop dangereux… Méfiez-vous, méfiez-vous, mon bon ami.

Saccard s’était levé, frémissant.

— C’est bien décidé, vous ne prendrez pas d’actions, vous ne voulez pas être avec nous ?

— Avec vous, jamais de la vie !… Vous serez mangé avant trois ans. 

Il y eut un silence, gros de batailles, un échange aigu de regards qui se défiaient.

— Alors, bonsoir… Je n’ai pas encore déjeuné et j’ai très faim. Faudra voir qui est-ce qui sera mangé. 

Et il le laissa, au milieu de sa tribu qui finissait de se bourrer bruyamment de pâtisseries, recevant les derniers courtiers attardés, fermant par instants les yeux de lassitude, pendant qu’il achevait son bol à petits coups, les lèvres toutes blanches de lait.

Saccard se jeta dans son fiacre, en donnant l’adresse de la rue Saint-Lazare. Une heure sonnait, c’était une journée perdue, il rentrait déjeuner, hors de lui. Ah ! le sale juif ! en voilà un, décidément, qu’il aurait eu du plaisir à casser d’un coup de dents, comme un chien casse un os ! Certes, le manger, c’était un morceau terrible et trop gros. Mais est-ce qu’on savait ? les plus grands empires s’étaient bien écroulés, il y a toujours une heure où les puissants succombent. Non, pas le manger, l’entamer d’abord, lui arracher des lambeaux de son milliard ; ensuite, le manger, oui ! pourquoi pas ? les détruire, dans leur roi incontesté, ces juifs qui se croyaient les maîtres du festin ! Et ces réflexions, cette colère qu’il emportait de chez Gundermann, soulevaient Saccard d’un furieux zèle, d’un besoin de négoce, de succès immédiat il aurait voulu bâtir d’un geste sa maison de banque, la faire fonctionner, triompher, écraser les maisons rivales. Brusquement, le souvenir de Daigremont lui revint ; et, sans discuter, d’un mouvement irrésistible, il se pencha, il cria au cocher de monter la rue La Rochefoucauld. S’il voulait voir Daigremont, il devait se hâter, quitte à déjeuner plus tard,