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Dix heures sonnaient, et Saccard monta directement aux bureaux, à la porte desquels il se rencontra avec Gustave Sédille.

— Est-ce que M. Mazaud est là ?

— Je ne sais pas, monsieur, j’arrive. 

Le jeune homme souriait, toujours en retard, prenant à l’aise son emploi de simple amateur, qu’on ne payait pas, résigné à passer là un an ou deux pour faire plaisir à son père, le fabricant de soie de la rue des Jeûneurs. Saccard traversa la caisse, salué par le caissier d’argent et par le caissier des titres ; puis, il entra dans le cabinet des deux fondés de pouvoirs, où il ne trouva que Berthier, celui des deux qui était chargé des relations avec les clients et qui accompagnait le patron à la Bourse.

— Est-ce que M. Mazaud est là ?

— Mais je le pense, je sors de son cabinet… Tiens non, il n’y est plus… C’est qu’il est dans le bureau du comptant. 

Il avait poussé une porte voisine, il faisait du regard le tour d’une assez vaste pièce, où cinq employés travaillaient, sous les ordres du premier commis.

— Non, c’est particulier !… Voyez donc vous-même à la liquidation, là, à côté. 

Saccard entra dans le bureau de la liquidation. C’était là que le liquidateur, le pivot de la charge, aidé de sept employés, dépouillait le carnet que lui remettait l’agent chaque jour, après la Bourse, puis appliquait aux clients les affaires faites selon les ordres reçus, en s’aidant de fiches, conservées pour savoir les noms ; car le carnet ne porte pas les noms, ne contient que l’indication brève de l’achat ou de la vente telle valeur, telle quantité, tel cours, de tel agent.

— Est-ce que vous avez vu M. Mazaud ? demanda Saccard.

Mais on ne lui répondit même pas. Le liquidateur étant sorti, trois employés lisaient leur journal, deux autres regardaient en l’air ; tandis que l’entrée de Gustave Sédille venait d’intéresser vivement le petit Flory, qui, le