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II


Après sa dernière et désastreuse affaire de terrains, lorsque Saccard dut quitter son palais du parc Monceau, qu’il abandonnait à ses créanciers, pour éviter une catastrophe plus grande, son idée fut d’abord de se réfugier chez son fils Maxime. Celui-ci, depuis la mort de sa femme, qui dormait dans un petit cimetière de la Lombardie, occupait seul un hôtel de l’avenue de l’Impératrice, où il avait organisé sa vie avec un sage et féroce égoïsme ; il y mangeait la fortune de la morte sans une faute, en garçon de faible santé que le vice avait précocement mûri ; et, d’une voix nette, il refusa à son père de le prendre chez lui, pour continuer à vivre tous deux en bon accord, expliquait-il de son air souriant et avisé.

Dès lors, Saccard songea à une autre retraite. Il allait louer une petite maison à Passy, un asile bourgeois de commerçant retiré, lorsqu’il se souvint que le rez-de-chaussée et le premier étage de l’hôtel d’Orviedo, rue Saint-Lazare, n’étaient toujours pas occupés, portes et fenêtres closes. La princesse d’Orviedo, installée dans trois chambres du second depuis la mort de son mari, n’avait pas même fait mettre d’écriteau à la porte cochère, que les herbes envahissaient. Une porte basse, à l’autre bout de la façade, menait au deuxième étage, par un escalier de service. Et, souvent en rapport d’affaires avec la princesse, dans les visites qu’il lui rendait, il s’était étonné de la négligence qu’elle apportait à tirer un parti convenable de son immeuble. Mais elle hochait la tête, elle avait sur les choses de l’argent des idées à elle. Pourtant,