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brilla d’une telle flamme, qu’elle en suivit la direction et comprit.

— Non, non ! cria-t-elle, les bijoux, jamais !

Et elle saisit le coffret, comme pour le défendre. Ces derniers bijoux depuis si longtemps dans la famille, ces quelques bijoux qu’elle avait gardés au travers des plus grandes gênes, comme l’unique dot de sa fille, et qui restaient à cette heure sa suprême ressource !

— Jamais, j’aimerais mieux donner de ma chair ! 

Mais, à cette minute, il y eut une diversion, madame Caroline frappa et entra. Elle arrivait bouleversée, elle demeura saisie de la scène au milieu de laquelle elle tombait. D’un mot, elle avait prié la comtesse de ne point se déranger ; et elle serait partie, sans un geste suppliant de celle-ci, qu’elle crut comprendre. Immobile au fond de la pièce, elle s’effaça.

Busch venait de remettre son chapeau, tandis que, de plus en plus mal à l’aise, Léonide gagnait la porte.

— Alors, madame, il ne nous reste donc qu’à nous retirer… 

Pourtant, il ne se retirait pas. Il reprit toute l’histoire, en termes plus honteux, comme s’il avait voulu humilier encore la comtesse devant la nouvelle venue, cette dame qu’il affectait de ne pas reconnaître, selon son habitude, quand il était en affaire.

— Adieu, madame, nous allons de ce pas au parquet. Le récit détaillé sera dans les journaux, avant trois jours. C’est vous qui l’aurez voulu. 

Dans les journaux ! Cet horrible scandale sur les ruines mêmes de sa maison ! Ce n’était donc pas assez de voir tomber en poudre l’antique fortune, il fallait que tout croulât dans la boue ! Ah ! que l’honneur du nom au moins fût sauvé ! Et, d’un mouvement machinal, elle ouvrit le coffret. Les boucles d’oreilles, le bracelet, trois bagues apparurent, des brillants et des rubis, avec leurs montures anciennes.

Busch, vivement, s’était approché. Ses yeux s’attendrissaient, d’une douceur de caresse.