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Léonide eut peur, leva le coude, afin de se protéger la figure, dans le mouvement instinctif des filles habituées aux gifles. Et un effrayant silence régna, durant lequel il sembla qu’une nouvelle plainte, un petit bruit étouffé de larmes venait de l’alcôve.

— Enfin, que voulez-vous ?  reprit la comtesse, tremblante, baissant la voix.

Ici, Busch intervint.

— Mais, madame, cette fille veut qu’on la paie. Et elle a raison, la malheureuse, de dire que monsieur le comte de Beauvilliers a fort mal agi avec elle. C’est de l’escroquerie, simplement.

— Jamais je ne paierai une pareille dette.

— Alors, nous allons prendre une voiture, en sortant d’ici, et nous rendre au Palais, où je déposerai la plainte que j’ai rédigée d’avance, et que voici… Tous les faits que mademoiselle vient de vous dire y sont relatés.

— Monsieur, c’est un abominable chantage, vous ne ferez pas cela.

— Je vous demande pardon, madame, je vais le faire à l’instant. Les affaires sont les affaires. 

Une fatigue immense, un suprême découragement envahit la comtesse. Le dernier orgueil qui la tenait debout, venait de se briser ; et toute sa violence, toute sa force tomba. Elle joignit les mains, elle bégayait.

— Mais vous voyez où nous en sommes. Regardez donc cette chambre… Nous n’avons plus rien, demain peut-être il ne nous restera pas de quoi manger… Où voulez-vous que je prenne de l’argent, dix mille francs, mon Dieu !»

Busch eut un sourire d’homme accoutumé à pêcher dans ces ruines.

— Oh ! les dames comme vous ont toujours des ressources. En cherchant bien, on trouve. 

Depuis un moment, il guettait sur la cheminée un vieux coffret à bijoux, que la comtesse avait laissé là, le matin, en achevant de vider une malle ; et il flairait des pierreries, avec la certitude de l’instinct. Son regard