Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/388

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et elle se mit à sangloter.

— Mon enfant, calmez-vous, je vous en prie, répéta à plusieurs reprises madame Caroline, qui s’empressait, étonnée. Il ne faut pas vous faire de la peine.

— Non, laissez-moi, ce n’est pas de la peine… Mais, en vérité, c’est tellement bête, tout ça ! Je vous demande un peu, lorsque j’ai épousé Paul, si maman et papa n’auraient pas dû me donner la dot dont ils avaient toujours parlé ! Sous prétexte que Paul ne possédait plus un sou et que je faisais une sottise en tenant quand même ma promesse, ils n’ont pas lâché un centime… Ah ! les voilà bien avancés, aujourd’hui ! ils la retrouveraient, ma dot, ce serait toujours ça que la Bourse n’aurait pas mangé ! 

Madame Caroline et Jordan ne purent s’empêcher de rire. Mais cela ne consolait pas Marcelle, elle pleurait plus fort.

— Et puis, ce n’est pas encore ça… Moi, quand Paul a été pauvre, j’ai fait un rêve. Oui ! comme dans les contes de fées, j’ai rêvé que j’étais une princesse et qu’un jour j’apporterais à mon prince ruiné beaucoup, beaucoup d’argent, pour l’aider à être un grand poète… Et voilà qu’il n’a pas besoin de moi, voilà que je ne suis plus rien qu’un embarras, avec ma famille ! C’est lui qui aura toute la peine, c’est lui qui fera tous les cadeaux… Ah ! ce que mon cœur étouffe ! 

Vivement, il l’avait prise dans ses bras.

— Qu’est-ce que tu nous racontes, grosse bête. Est-ce que la femme a besoin d’apporter quelque chose ! Mais c’est toi que tu apportes, ta jeunesse, ta tendresse, ta belle humeur, et il n’y a pas une princesse au monde qui puisse donner davantage ! 

Tout de suite, elle s’apaisa, heureuse d’être aimée ainsi, trouvant en effet qu’elle était bien sotte de pleurer. Lui, continuait :

— Si ton père et ta mère veulent, nous les installerons à Clichy, où j’ai vu des rez-de-chaussée avec des jardins pour pas cher… Chez nous, dans notre trou empli de