Page:Emile Zola - L’Argent.djvu/32

Cette page a été validée par deux contributeurs.

reils, un gamin qui finira sur l’échafaud, et ces morceaux de papier dont jamais je ne tirerai rien ! 

Busch tenait ses gros yeux pâles obstinément fixés sur les billets. Que de fois il les avait étudiés ainsi, espérant, dans un détail inaperçu, dans la forme des lettres, jusque dans le grain du papier timbré, découvrir un indice. Il prétendait que cette écriture pointue et fine ne devait pas lui être inconnue.

— C’est curieux, répétait-il une fois encore, j’ai certainement vu déjà des a et des o pareils, si allongés, qu’ils ressemblent à des i.

Juste à ce moment, on frappa ; et il pria la Méchain d’allonger la main pour ouvrir ; car la pièce donnait directement sur l’escalier. Il fallait la traverser si l’on voulait gagner l’autre, celle qui avait vue sur la rue. Quant à la cuisine, un trou sans air, elle se trouvait de l’autre côté du palier.

— Entrez, monsieur. 

Et ce fut Saccard qui entra. Il souriait, égayé intérieurement par la plaque de cuivre, vissée sur la porte et portant en grosses lettres noires le mot : Contentieux.

— Ah ! oui, monsieur Saccard, vous venez pour cette traduction… Mon frère est là, dans l’autre pièce… Entrez, entrez donc. 

Mais la Méchain bouchait absolument le passage, et elle dévisageait le nouveau venu, l’air de plus en plus surpris. Il fallut tout une manœuvre : lui recula dans l’escalier, elle-même sortit, s’effaçant sur le palier, de façon qu’il pût entrer et gagner enfin la chambre voisine, où il disparut. Pendant ces mouvements compliqués, elle ne l’avait pas quitté des yeux.

— Oh ! souffla-t-elle, oppressée, ce monsieur Saccard, je ne l’avais jamais tant vu… Victor est tout son portrait.

Busch sans comprendre d’abord, la regardait. Puis, une brusque illumination se fit, il eut un juron étouffé.

— Tonnerre de Dieu ! c’est ça, je savais bien que j’avais vu ça quelque part ! 

Et, cette fois, il se leva, bouleversa les dossiers, finit