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lettré, intelligent et aimable, il était débarqué à la Bourse vers vingt-huit ans, s’y était traîné et sali pendant dix années comme remisier, en n’y gagnant guère que l’argent nécessaire à ses vices. Et, aujourd’hui, tout à fait chauve, se désolant ainsi qu’une fille dont les rides menacent le gagne-pain, il attendait toujours l’occasion qui devait le lancer au succès, à la fortune.

Saccard, à le voir si humble, se rappela avec amertume, le salut de Sabatani, chez Champeaux : décidément, les tarés et les ratés seuls lui restaient. Mais il n’était pas sans estime pour l’intelligence vive de celui-ci, et il savait bien qu’on fait les troupes les plus braves avec les désespérés, ceux qui osent tout, ayant tout à gagner. Il se montra bonhomme.

— Une situation, répéta-t-il. Eh ! ça peut se trouver. Venez me voir.

— Rue Saint-Lazare, maintenant, n’est-ce pas ?

— Oui, rue Saint-Lazare. Le matin.

Ils causèrent. Jantrou était très animé contre la Bourse, répétant qu’il fallait être un coquin pour y réussir, avec la rancune d’un homme qui n’avait pas eu la coquinerie chanceuse. C’était fini, il voulait tenter autre chose, il lui semblait que, grâce à sa culture universitaire, à sa connaissance du monde, il pouvait se faire une belle place dans l’administration. Saccard l’approuvait d’un hochement de tête. Et, comme ils étaient sortis des grilles, longeant le trottoir jusqu’à la rue Brongniart, tous deux s’intéressèrent à un coupé sombre, d’un attelage très correct, qui était arrêté dans cette rue, le cheval tourné vers la rue Montmartre. Tandis que le dos du cocher, haut perché, demeurait d’une immobilité de pierre, ils avaient remarqué qu’une tête de femme, à deux reprises, paraissait à la portière et disparaissait, vivement. Tout d’un coup, la tête se pencha, s’oublia, avec un long regard d’impatience en arrière, du côté de la Bourse.

— La baronne Sandorff, murmura Saccard.

C’était une tête brune très étrange, des yeux noirs brûlants sous des paupières meurtries, un visage de passion