visage, Huret entra en tempête, sans même prendre le temps de refermer les portes.
— Mon bon ami, mon bon ami…
Il étouffait, il mit les deux mains sur sa poitrine.
— Je sors de chez Rougon… J’ai couru, parce que je n’avais pas de fiacre. Enfin, j’en ai trouvé un… Rougon a reçu une dépêche de là-bas. Je l’ai vue… Une nouvelle, une nouvelle…
D’un geste violent, Saccard l’arrêta, et il se précipita pour fermer la porte, ayant aperçu Dejoie qui rôdait déjà, l’oreille tendue.
— Enfin, quoi ?
— Eh bien, l’empereur d’Autriche cède la Vénétie à l’empereur des Français, en acceptant sa médiation, et ce dernier va s’adresser aux rois de Prusse et d’Italie pour amener un armistice.
Il y eut un silence.
— C’est la paix, alors ?
— Évidemment.
Saccard, saisi, sans idée encore, laissa échapper un juron.
— Tonnerre de Dieu ! et toute la Bourse qui est à la baisse !
Puis, machinalement :
— Et cette nouvelle, pas une âme ne la sait ?
— Non, la dépêche est confidentielle, la note ne paraîtra pas même demain matin au Moniteur. Paris ne saura sans doute rien avant vingt-quatre heures.
Alors, ce fut le coup de foudre, l’illumination brusque. Il courut de nouveau à la porte, l’ouvrit pour voir si personne n’écoutait. Et il était hors de lui, il revint se planter devant le député, le saisit par les deux revers de sa redingote.
— Taisez-vous ! pas si haut !… Nous sommes les maîtres, si Gundermann et sa bande ne sont pas avertis… Entendez-vous ! pas un mot, à personne au monde ! ni à vos amis, ni à votre femme !… Justement, une chance ! Jantrou n’est pas là, nous serons seuls à savoir, nous