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mêler des affaires de l’Italie et de l’Allemagne ?… Voulez-vous que nous fassions une campagne contre Bismarck ? oui ! au nom de nos frontières menacées… 

Mais Saccard, hors de lui, debout, éclata.

— Ce que je veux, c’est que Rougon ne se fiche pas moi davantage !… Comment ! après tout ce que j’ai fait ! J’achète un journal, le pire de ses ennemis, j’en fais un organe dévoué à sa politique, je vous laisse pendant des mois y chanter ses louanges. Et jamais ce bougre-là ne nous donnerait un coup d’épaule, j’en suis encore à attendre un service de sa part !

Timidement, le député fit remarquer que, là-bas, en Orient, l’appui du ministre avait singulièrement aidé l’ingénieur Hamelin, en lui ouvrant toutes les portes, en exerçant une pression sur certains personnages.

— Laissez-moi donc tranquille ! Il n’a pas pu faire autrement… Mais est-ce qu’il m’a jamais averti, la veille d’une hausse ou d’une baisse, lui qui est si bien placé pour tout savoir ? Souvenez-vous ! vingt fois je vous ai chargé de le sonder, vous qui le voyez tous les jours, et vous en êtes encore à m’apporter un vrai renseignement utile… Ce ne serait pourtant pas si grave, un simple mot que vous me répéteriez.

— Sans doute, mais il n’aime pas ça, il dit que ce sont des tripotages dont on se repent toujours.

— Allons donc ! est-ce qu’il a de ces scrupules avec Gundermann ! Il fait de l’honnêteté avec moi, et il renseigne Gundermann.

— Oh ! Gundermann, sans doute ! Ils ont tous besoin de Gundermann, ils ne pourraient pas faire un emprunt sans lui. 

Du coup, Saccard triompha violemment, tapant dans ses mains.

— Nous y voilà donc, vous avouez ! L’empire est vendu aux juifs, aux sales juifs. Tout notre argent est condamné à tomber entre leurs pattes crochues. L’Universelle n’a plus qu’à crouler devant leur toute-puissance. 

Et il exhala sa haine héréditaire, il reprit ses accusa-