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VI


Les bureaux de l’Espérance, le journal catholique en détresse que, sur l’offre de Jantrou, Saccard avait acheté, pour travailler au lancement de l’Universelle, se trouvaient rue Saint-Joseph, dans un vieil hôtel noir et humide, dont ils occupaient le premier étage, au fond de la cour. Un couloir partait de l’antichambre, où le gaz brûlait éternellement ; et il y avait, à gauche, le cabinet de Jantrou, le directeur, puis une pièce que Saccard s’était réservée, tandis que s’alignaient, à droite, la salle commune de la rédaction, le cabinet du secrétaire, des cabinets destinés aux différents services. De l’autre côté du palier, étaient installées l’administration et la caisse, qu’un couloir intérieur, tournant derrière l’escalier, reliait à la rédaction.

Ce jour-là, Jordan, en train d’achever une chronique, dans la salle commune, où il s’était installé de bonne heure pour n’être pas dérangé, en sortit comme quatre heures sonnaient, et vint trouver Dejoie, le garçon de bureau, qui, à la flamme large du gaz, malgré la radieuse journée de juin qu’il faisait dehors, lisait avidement le bulletin de la Bourse, qu’on apportait et dont il prenait le premier connaissance.

— Dites donc, Dejoie, c’est monsieur Jantrou qui vient d’arriver ?

— Oui, monsieur Jordan. 

Le jeune homme eut une hésitation, un court malaise qui l’arrêta pendant quelques secondes. Dans les commencements difficiles de son heureux ménage, des dettes anciennes étaient tombées ; et, malgré sa chance d’avoir