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d’autre part, il avait en poche les concessions qui assuraient à une société française l’exploitation des mines d’argent du Carmel ; sans parler de la Banque nationale turque, dont il venait de jeter les bases à Constantinople, et qui serait une véritable succursale de l’Universelle. Quant à la grosse question des chemins de fer de l’Asie Mineure, elle n’était pas mûre, il fallait la réserver ; du reste, il devait retourner là-bas, pour continuer ses études, dès le lendemain de l’assemblée. Saccard, ravi, eut avec lui une longue conversation, à laquelle assistait madame Caroline, et il leur persuada aisément qu’une augmentation du capital social était une nécessité absolue, si l’on voulait faire face à ces entreprises. Déjà, les forts actionnaires, Daigremont, Huret, Sédille, Kolb, consultés avaient approuvé cette augmentation ; de sorte qu’en deux jours la proposition put être étudiée et présentée au conseil d’administration, la veille même de la réunion des actionnaires.

Ce conseil d’urgence fut solennel, tous les administrateurs y assistèrent, dans la salle grave, verdie par le voisinage des grands arbres de l’hôtel Beauvilliers. D’ordinaire, il y avait deux conseils par mois : le petit, vers le 15, le plus important, celui auquel ne paraissaient que les vrais chefs, les administrateurs d’affaires ; et le grand, vers le 30, la réunion d’apparat, où tous venaient, les muets et les décoratifs, approuver les travaux préparés d’avance et donner des signatures. Ce jour-là, le marquis de Bohain, avec sa petite tête aristocratique, arriva un des premiers, apportant avec lui, dans son grand air fatigué, l’approbation de toute la noblesse française. Et le vicomte de Robin-Chagot, le vice-président, homme doux et ladre, avait charge de guetter les administrateurs qui n’étaient point au courant, les prenait à part et leur communiquait d’un mot les ordres du directeur, le vrai maître. Chose entendue, tous promettaient d’obéir, d’un signe de tête.

Enfin, on entra en séance. Hamelin fit connaître au conseil le rapport qu’il devait lire devant l’assemblée générale.