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L’ŒUVRE.

sion brûlaient très hautes, les faïences des murs épanouissaient leurs fleurs peintes, la table semblait s’être incendiée, avec la débâcle de son couvert, sa violence de causerie, ce saccage qui les enfiévrait là, depuis deux heures.

Et Claude, au milieu du bruit, dit enfin, lorsque Henriette se décida à se lever, pour les faire taire :

— Ah ! l’Hôtel-de-Ville, si je l’avais, moi, et si je pouvais !… C’était mon rêve, les murs de Paris à couvrir !

On retourna au salon, dont le petit lustre et les appliques venaient d’être allumés. On y eut presque froid, en comparaison de l’étuve d’où l’on sortait ; et le café calma un instant les convives. Personne, du reste, n’était attendu, en dehors de Fagerolles. C’était un salon très fermé, le ménage n’y racolait pas des clients littéraires, n’y muselait pas la presse à coups d’invitations. La femme exécrait le monde, le mari disait en riant qu’il lui fallait dix ans pour aimer quelqu’un, et l’aimer toujours. N’était-ce pas le bonheur, irréalisable ? quelques amitiés solides, un coin d’affection familiale. On n’y faisait jamais de musique, et jamais on n’y avait lu une page de littérature.

Ce jeudi-là, la soirée parut longue, dans la sourde irritation qui persistait. Les dames, devant le feu mourant, s’étaient mises à causer ; et, comme le domestique, après avoir ôté le couvert, rouvrait la salle voisine, elles restèrent seules, les hommes allèrent y fumer, en buvant de la bière.

Sandoz et Claude, qui ne fumaient pas, revinrent bientôt s’asseoir côte à côte sur un canapé, près de la porte. Le premier, heureux de voir son vieil ami excité et bavard, lui rappelait des souvenirs de