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LES ROUGON-MACQUART.

Alors, Fagerolles eut le tort de s’irriter, lui aussi, cédant à la colère de constater son peu d’influence sérieuse.

— Vous êtes injustes, soyez justes au moins !

Du coup, le tumulte fut à son comble. On l’entourait, on le poussait, des bras s’agitaient menaçants, des phrases partaient comme des balles.

— Monsieur, vous déshonorez le jury.

— Si vous défendez ça, c’est pour qu’on mette votre nom dans les journaux.

— Vous ne vous y connaissez pas.

Et, Fagerolles, hors de lui, perdant jusqu’à la souplesse de sa blague, répondit lourdement :

— Je m’y connais autant que vous.

— Tais-toi donc ! reprit un camarade, un petit peintre blond très rageur, tu ne vas pas vouloir nous faire avaler un pareil navet !

Oui, oui, un navet ! tous répétaient le nom avec conviction, ce mot qu’ils jetaient d’habitude aux dernières des croûtes, à la peinture pâle, froide, et plate des barbouilleurs.

— C’est bon, dit enfin Fagerolles, les dents serrées, je demande le vote.

Depuis que la discussion s’aggravait, Mazel agitait sa sonnette sans relâche, très rouge de voir son autorité méconnue.

— Messieurs, allons, messieurs… C’est extraordinaire, qu’on ne puisse s’entendre sans crier… Messieurs, je vous en prie…

Enfin, il obtint un peu de silence. Au fond, il n’était pas mauvais homme. Pourquoi ne recevrait-on pas ce petit tableau, bien qu’il le jugeât exécrable ? On en recevait tant d’autres !

— Voyons, messieurs, on demande le vote.