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LES ROUGON-MACQUART.

bleau, cette actrice dans sa loge, dont une reproduction gravée avait alors un grand succès aux étalages. Est-ce que le sujet n’était pas moderne ? est-ce que ce n’était pas joliment peint, dans la gamme claire de l’école nouvelle ? Peut-être aurait-on pu désirer plus de force ; seulement, il fallait laisser sa nature à chacun ; puis, ça ne traînait pas dans les rues, le charme et la distinction.

Penché sur sa toile, Bongrand, qui d’habitude ne lâchait que des éloges paternels sur les jeunes, frémissait, faisait un visible effort pour ne pas éclater. Mais l’explosion eut lieu malgré lui.

— Fichez-nous la paix, hein avec votre Fagerolles ! Vous nous croyez donc plus bêtes que nature !… Tenez ! vous voyez le grand peintre ici présent. Oui, ce jeune monsieur-là, qui est devant vous ! Eh bien ! tout le truc consiste à lui voler son originalité et à l’accommoder à la sauce veule de l’École des Beaux-Arts. Parfaitement ! on prend du moderne, on peint clair, mais on garde le dessin banal et correct, la composition agréable de tout le monde, enfin la formule qu’on enseigne là-bas, pour l’agrément des bourgeois. Et l’on noie ça de facilité, oh ! de cette facilité exécrable des doigts, qui sculpteraient aussi bien des noix de coco, de cette facilité coulante, plaisante, qui fait le succès et qui devrait être punie du bagne, entendez-vous !

Il brandissait en l’air sa palette et ses brosses, dans ses deux poings fermés.

— Vous êtes sévère, dit Claude gêné. Fagerolles a vraiment des qualités de finesse.

— On m’a conté, murmura Jory, qu’il venait de passer un traité très dangereux avec Naudet.

Ce nom, jeté ainsi dans la conversation, détendit