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LES ROUGON-MACQUART.

Oh ! je ne vous demande pas vos secrets. Seulement, je vais vous confier les miens, persuadé que je ne saurais les placer en des mains plus sages… D’ailleurs, j’ai besoin de vos conseils, il y a longtemps que je n’osais vous aller voir.

Il se confessa en effet, il raconta ses débuts, il ne cacha même pas la crise financière qu’il traversait, au milieu de son triomphe. Tout défila, les agrandissements successifs, les gains remis continuellement dans l’affaire, les sommes apportées par ses employés, la maison risquant son existence à chaque mise en vente nouvelle, où le capital entier était joué comme sur un coup de cartes. Pourtant, ce n’était pas de l’argent qu’il demandait, car il avait en sa clientèle une foi de fanatique. Son ambition devenait plus haute, il proposait au baron une association, dans laquelle le Crédit Immobilier apporterait le palais colossal qu’il voyait en rêve, tandis que lui, pour sa part, donnerait son génie et le fonds de commerce déjà créé. On estimerait les apports, rien ne lui paraissait d’une réalisation plus facile.

— Qu’allez-vous faire de vos terrains et de vos immeubles ? demandait-il avec insistance. Vous avez une idée, sans doute. Mais je suis bien certain que votre idée ne vaut pas la mienne… Songez à cela. Nous bâtissons sur les terrains une galerie de vente, nous démolissons ou nous aménageons les immeubles, et nous ouvrons les magasins les plus vastes de Paris, un bazar qui fera des millions.

Et il laissa échapper ce cri du cœur :

— Ah ! si je pouvais me passer de vous !… Mais vous tenez tout, maintenant. Et puis, je n’aurais jamais les avances nécessaires… Voyons, il faut nous entendre, ce serait un meurtre.

— Comme vous y allez, cher monsieur ! se contenta de répondre le baron Hartmann. Quelle imagination !