Page:Emile Zola - Au bonheur des dames.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
81
AU BONHEUR DES DAMES.

comme celui-ci avait fouillé le salon d’un regard inquiet, il se tourna à son tour, il remarqua que mademoiselle de Boves ne les quittait pas des yeux. Grande et forte, Blanche ressemblait à sa mère ; seulement, chez elle, le masque s’empâtait déjà, les traits gros, soufflés d’une mauvaise graisse. Paul, sur une question discrète, répondit que rien n’était fait encore ; peut-être même rien ne se ferait. Il avait connu la jeune personne chez madame Desforges, où il était venu beaucoup l’autre hiver, mais où il ne reparaissait que rarement, ce qui expliquait comment il avait pu ne pas s’y rencontrer avec Octave. À leur tour, les Boves le recevaient, et il aimait surtout le père, un ancien viveur qui prenait sa retraite dans l’administration. D’ailleurs, pas de fortune : madame de Boves n’avait apporté à son mari que sa beauté de Junon, la famille vivait d’une dernière ferme hypothéquée, au mince produit de laquelle s’ajoutaient heureusement les neuf mille francs touchés par le comte, comme inspecteur général des haras. Et ces dames, la mère et la fille, très serrées d’argent par celui-ci, que des coups de tendresse continuaient à dévorer au-dehors, en étaient parfois réduites à refaire leurs robes elles-mêmes.

— Alors, pourquoi ? demanda simplement Mouret.

— Mon Dieu ! il faut bien en finir, dit Vallagnosc, avec un mouvement fatigué des paupières. Et puis, il y a des espérances, nous attendons la mort prochaine d’une tante.

Cependant, Mouret, qui ne quittait plus du regard M. de Boves, assis, près de madame Guibal, empressé, avec le rire tendre d’un homme en campagne, se retourna vers son ami et cligna les yeux d’un air tellement significatif, que ce dernier ajouta :

— Non, pas celle-ci… Pas encore, du moins… Le malheur est que son service l’appelle aux quatre coins de la