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AU BONHEUR DES DAMES.

de lilas embaumé, un épanouissement continu que surmontaient, à la hauteur du premier étage, des panaches de plumes d’autruche, des plumes blanches qui étaient comme le souffle envolé de ce peuple de fleurs blanches. Tout un coin étalait des garnitures et des couronnes de fleurs d’oranger. Il y avait des fleurs métalliques, des chardons d’argent, des épis d’argent. Dans les feuillages et dans les corolles, au milieu de cette mousseline, de cette soie et de ce velours, où des gouttes de gomme faisaient des gouttes de rosée, volaient des oiseaux des Îles pour chapeaux, les Tangaras de pourpre à queue noire, et les Septicolores au ventre changeant, couleur de l’arc-en-ciel.

— J’achète une branche de pommier, reprit madame Marty. N’est-ce pas ? c’est délicieux… Et ce petit oiseau, regarde donc, Valentine. Oh ! Je le prends !

Cependant, madame Guibal s’ennuyait, à rester immobile, dans les remous de la foule. Elle finit par dire :

— Eh bien ! nous vous laissons à vos achats. Nous montons, nous autres.

— Mais non, attendez-moi ! cria l’autre. Je remonte aussi… Il y a là-haut la parfumerie. Il faut que j’aille à la parfumerie.

Ce rayon, créé de la veille, se trouvait à côté du salon de lecture. Madame Desforges, pour éviter l’encombrement des escaliers, parla de prendre l’ascenseur ; mais elles durent y renoncer, on faisait queue à la porte de l’appareil. Enfin, elles arrivèrent, elles passèrent devant le buffet public, où la cohue devenait telle, qu’un inspecteur devait refréner les appétits, en ne laissant plus entrer la clientèle gloutonne que par petits groupes. Et, du buffet même, ces dames commencèrent à sentir le rayon de parfumerie, une odeur pénétrante de sachet enfermé, qui embaumait la galerie. On s’y disputait un savon, le savon Bonheur, la spécialité de la maison. Dans les