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LES ROUGON-MACQUART.

dent que vos bons marchés les ruinent… Vous savez que Gaujean m’a positivement déclaré la guerre. Oui, il a juré d’ouvrir de longs crédits aux petites maisons, plutôt que d’accepter mes prix.

Mouret haussa les épaules.

— Si Gaujean n’est pas raisonnable, répondit-il, Gaujean restera sur le carreau… De quoi se plaignent-ils ? Nous les payons immédiatement, nous prenons tout ce qu’ils fabriquent, c’est bien le moins qu’ils travaillent à meilleur compte… Et, d’ailleurs, il suffit que le public en profite.

Le commis vidait la seconde caisse, pendant que Bouthemont s’était remis à pointer les pièces, en consultant la facture. Un autre commis, sur le bout du comptoir, les marquait ensuite en chiffres connus, et la vérification finie, la facture, signée par le chef de rayon, devait être montée à la caisse centrale. Un instant encore, Mouret regarda ce travail, toute cette activité autour de ces déballages qui montaient et menaçaient de noyer le sous-sol ; puis, sans ajouter un mot, de l’air d’un capitaine satisfait de ses troupes, il s’éloigna, suivi de Bourdoncle.

Lentement, tous deux traversèrent le sous-sol. Les soupiraux, de place en place, jetaient une clarté pâle ; et, au fond des coins noirs, le long d’étroits corridors, des becs de gaz brûlaient, continuellement. C’était dans ces corridors que se trouvaient les réserves, des caveaux barrés par des palissades, où les divers rayons serraient le trop-plein de leurs articles. En passant, le patron donna un coup d’œil au calorifère qu’on devait allumer le lundi pour la première fois, et au petit poste de pompiers qui gardait un compteur géant, enfermé dans une cage de fer. La cuisine et les réfectoires, d’anciennes caves transformées en petites salles, étaient à gauche, vers l’angle de la place Gaillon. Enfin, à l’autre bout du sous-sol, il arriva au service du départ. Les paquets que les clientes n’emportaient