Page:Emile Zola - Au bonheur des dames.djvu/477

Cette page a été validée par deux contributeurs.
477
AU BONHEUR DES DAMES.

sommes toujours bons amis avec monsieur Mouret, bien qu’on le dise furieux, depuis que je me suis intéressée à cette maison rivale… Moi, il n’y a qu’une chose que je ne lui pardonne pas, c’est d’avoir poussé à ce mariage, vous savez ? ce Joseph, avec ma protégée, mademoiselle de Fontenailles…

— Comment ! c’est fait ? interrompit madame de Boves. Quelle horreur !

— Oui, ma chère, et uniquement pour mettre le talon sur nous. Je le connais, il a voulu dire que nos filles du monde ne sont bonnes qu’à épouser ses garçons de magasin.

Elle s’animait. Toutes quatre demeuraient sur le trottoir, au milieu des bousculades de l’entrée. Peu à peu, cependant, le flot les prenait ; et elles n’eurent qu’à s’abandonner au courant, elles passèrent la porte comme soulevées, sans en avoir conscience, causant plus fort pour s’entendre. Maintenant, elles se demandaient des nouvelles de madame Marty. On racontait que le pauvre M. Marty, à la suite de violentes scènes de ménage, venait d’être frappé du délire des grandeurs : il puisait à pleines mains dans les trésors de la terre, il vidait les mines d’or, chargeait des tombereaux de diamants et de pierreries.

— Pauvre bonhomme ! dit madame Guibal, lui toujours si râpé, avec son humilité de coureur de cachet !… Et la femme ?

— Elle mange un oncle, à présent, répondit Henriette, un vieux brave homme d’oncle, qui s’est retiré chez elle, après son veuvage… D’ailleurs, elle doit être ici, nous allons la voir.

Une surprise immobilisa ces dames. Devant elles, s’étendaient les magasins, les plus vastes magasins du monde, comme disaient les réclames. À cette heure, la grande galerie centrale allait de bout en bout, ouvrait