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AU BONHEUR DES DAMES.

— Alors, tout ça, c’est pour en arriver à ce qu’il vous épouse ?

Du coup, la jeune fille se redressa. Elle était bouleversée.

— Lui m’épouser ! oh ! non, oh ! je vous jure que je n’ai jamais voulu une pareille chose !… Non, jamais un tel calcul n’est entré dans ma tête, et vous savez que j’ai horreur du mensonge !

— Dame ! ma chère, reprit doucement Pauline, vous auriez l’idée de vous faire épouser, que vous ne vous y prendriez pas autrement… Il faudra bien que ça finisse, et il n’y a encore que le mariage, puisque vous ne voulez point de l’autre affaire… Écoutez, je dois vous prévenir que tout le monde a la même pensée : oui, on est persuadé que vous lui tenez la dragée haute pour le mener devant monsieur le maire… Mon Dieu ! quelle drôle de femme vous êtes !

Et elle dut consoler Denise, qui était retombée la tête sur le traversin, sanglotant, répétant qu’elle finirait par s’en aller, puisqu’on lui prêtait sans cesse toutes sortes d’histoires, qui ne pouvaient seulement lui entrer dans le crâne. Sans doute, quand un homme aimait une femme, il devait l’épouser. Mais elle ne demandait rien, elle ne calculait rien, elle suppliait seulement qu’on la laissât vivre tranquille, avec ses chagrins et ses joies, comme tout le monde. Elle s’en irait.

À la même minute, en bas, Mouret traversait les magasins. Il avait voulu s’étourdir, en visitant les travaux une fois encore. Des mois s’étaient écoulés, la façade dressait maintenant ses lignes monumentales, derrière la vaste chemise de planches qui la cachait au public. Toute une armée de décorateurs se mettaient à l’œuvre : des marbriers, des faïenciers, des mosaïstes ; on dorait le groupe central, au-dessus de la porte, tandis que, sur l’acrotère, on scellait déjà les piédestaux qui devaient re-