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LES ROUGON-MACQUART.

ne voulait pas que son départ eût l’air d’une fuite. Aussi, résolu à prendre une tasse de thé, rentra-t-il dans le grand salon avec son ami, plaisantant l’un et l’autre. Le baron Hartmann lui demanda si le manteau allait enfin ; et, sans se troubler, Mouret répondit qu’il y renonçait pour son compte. Il y eut une exclamation. Pendant que madame Marty se hâtait de le servir, madame de Boves accusait les magasins de tenir toujours les vêtements trop étroits. Enfin, il put s’asseoir près de Bouthemont, qui n’avait pas bougé. On les oublia, et sur les questions inquiètes de celui-ci, désireux de connaître son sort, il n’attendit pas d’être dans la rue, il lui apprit que ces messieurs du conseil s’étaient décidés à se priver de ses services. Entre chaque phrase, il buvait une cuillerée de thé, tout en protestant de son désespoir. Oh ! une querelle dont il se remettait à peine, car il avait quitté la salle hors de lui. Seulement, que faire ? il ne pouvait briser avec ces messieurs, pour une simple question de personnel. Bouthemont, très pâle, dut encore le remercier.

— Voilà un manteau terrible, fit remarquer madame Marty. Henriette n’en sort pas.

En effet, cette absence prolongée commençait à gêner tout le monde. Mais, à l’instant même, madame Desforges reparut.

— Vous y renoncez aussi ? cria gaiement madame de Boves.

— Comment ça ?

— Oui, monsieur Mouret nous a dit que vous ne pouviez vous en tirer.

Henriette montra la plus grande surprise.

— Monsieur Mouret a plaisanté. Ce manteau ira parfaitement.

Elle semblait très calme, souriante. Sans doute elle avait baigné ses paupières, car elles étaient fraîches, sans