Page:Emile Zola - Au bonheur des dames.djvu/371

Cette page a été validée par deux contributeurs.
371
AU BONHEUR DES DAMES.

— C’est pour ce manteau. Madame m’a recommandé de la prévenir… La demoiselle est là.

Alors, elle haussa la voix, de façon à être entendue. Toute sa souffrance jalouse se soulagea dans ces mots, d’une sécheresse méprisante :

— Qu’elle attende !

— Faut-il la faire entrer dans le cabinet de madame ?

— Non, non, qu’elle reste dans l’antichambre !

Et, quand le domestique fut sorti, elle reprit tranquillement sa conversation avec Vallagnosc. Mouret, retombé dans sa lassitude, avait écouté d’une oreille distraite, sans comprendre. Bouthemont, que préoccupait l’aventure, réfléchissait. Mais presque aussitôt la porte se rouvrit, deux dames furent introduites.

— Imaginez-vous, dit madame Marty, je descendais de voiture, lorsque j’ai vu arriver madame de Boves sous les arcades.

— Oui, expliqua celle-ci, il fait beau, et comme mon médecin veut toujours que je marche…

Puis, après un échange général de poignées de mains, elle demanda à Henriette :

— Vous prenez donc une nouvelle femme de chambre ?

— Non, répondit celle-ci étonnée. Pourquoi ?

— C’est que je viens de voir dans l’antichambre une jeune fille…

Henriette l’interrompit en riant.

— N’est-ce pas ? toutes ces filles de boutique ont l’air de femmes de chambre… Oui, c’est une demoiselle qui vient pour corriger un manteau.

Mouret la regarda fixement, effleuré d’un soupçon. Elle continuait avec une gaieté forcée, elle racontait qu’elle avait acheté cette confection au Bonheur des Dames, la semaine précédente.

— Tiens ! dit madame Marty, ce n’est donc plus Sauveur qui vous habille ?