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LES ROUGON-MACQUART.

— Pas tant que je me moque d’elle, répondit le vendeur vexé.

Mais Hutin menaça de le signaler à la direction, s’il ne respectait pas davantage la clientèle. Il devenait terrible, d’une sévérité hargneuse, depuis que le rayon s’était ligué pour lui faire avoir la place de Robineau. Même il se montrait tellement insupportable, après les promesses de bonne camaraderie dont il chauffait autrefois ses collègues, que ceux-ci, désormais, soutenaient sourdement Favier contre lui.

— Allons, ne répliquez pas, reprit sévèrement Hutin. Monsieur Bouthemont vous demande du foulard, les dessins les plus clairs.

Au milieu du rayon, une exposition des soieries d’été éclairait le hall d’un éclat d’aurore, comme un lever d’astre dans les teintes les plus délicates de la lumière, le rose pâle, le jaune tendre, le bleu limpide, toute l’écharpe flottante d’Iris. C’étaient des foulards d’une finesse de nuée, des surahs plus légers que les duvets envolés des arbres, des pékins satinés à la peau souple de vierge chinoise. Et il y avait encore les pongées du Japon, les tussors et les corahs des Indes, sans compter nos soies légères, les mille raies, les petits damiers, les semis de fleurs, tous les dessins de la fantaisie, qui faisaient songer à des dames en falbalas, se promenant, par les matinées de mai, sous les grands arbres d’un parc.

— Je prendrai celui-ci, le Louis XIV, à bouquets de roses, dit enfin, madame Desforges.

Et, pendant que Favier métrait, elle fit une dernière tentative sur Bouthemont, resté près d’elle.

— Je vais monter aux confections voir les manteaux de voyage… Est-ce qu’elle est blonde, la demoiselle de votre histoire ?

Le chef de rayon, que son insistance commençait à inquiéter, se contenta de sourire. Mais, justement, Denise