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LES ROUGON-MACQUART.

sût pourquoi, lui avait conté en détail les amours du patron et de Clara, où il la voyait, ce qu’il la payait ; et elle en reparlait souvent, elle ajoutait même qu’il avait une autre maîtresse, cette madame Desforges, bien connue de tout le magasin. De telles histoires remuaient Denise, elle était reprise devant lui de ses peurs d’autrefois, d’un malaise où sa reconnaissance luttait contre de la colère.

— C’est tout ce remue-ménage, murmura-t-elle.

Alors, Mouret s’approcha pour lui dire à voix plus basse :

— Ce soir, après la vente, veuillez passer à mon cabinet. Je désire vous parler.

Troublée, elle inclina la tête, sans prononcer un mot. D’ailleurs, elle entra au rayon, où les autres vendeuses arrivaient. Mais Bourdoncle avait entendu Mouret, et il le regardait en souriant. Même il osa lui dire, quand ils furent seuls :

— Encore celle-là ! Méfiez-vous, ça finira par être sérieux !

Vivement, Mouret se défendit, cachant son émotion sous un air d’insouciance supérieure.

— Laissez donc, une plaisanterie ! La femme qui me prendra, n’est pas née, mon cher !

Et, comme les magasins ouvraient enfin, il se précipita pour donner un dernier coup d’œil aux divers comptoirs. Bourdoncle hochait la tête. Cette Denise, simple et douce, commençait à l’inquiéter. Une première fois, il avait vaincu, par un renvoi brutal. Mais elle reparaissait, et il la traitait en ennemie sérieuse, muet devant elle, attendant de nouveau.

Mouret, qu’il rattrapa, criait en bas, dans le hall Saint-Augustin, en face de la porte d’entrée :

— Est-ce qu’on se fiche de moi ! J’avais dit de mettre les ombrelles bleues en bordure… Cassez-moi tout ça, et vite !