près d’elle. Madame Baudu, qui avait achevé de déjeuner, était debout, toute blanche, ses yeux blancs fixés sur le monstre ; et, résignée, elle ne pouvait le voir, le rencontrer ainsi de l’autre côté de la rue, sans qu’un désespoir muet gonflât ses paupières. Quant à Geneviève, elle surveillait avec une inquiétude croissante Colomban, qui, ne se croyant pas guetté, restait en extase, les regards levés sur les vendeuses des confections, dont on apercevait le comptoir, derrière les glaces de l’entresol. Baudu, la bile au visage, se contenta de dire :
— Tout ce qui reluit n’est pas d’or. Patience !
La famille, évidemment, renfonçait le flot de rancune qui lui montait à la gorge. Une pensée d’amour-propre l’empêchait de se livrer si vite, devant ces enfants arrivés du matin. Enfin, le drapier fit un effort, se détourna pour s’arracher au spectacle de la vente d’en face.
— Eh bien ! reprit-il, voyons chez Vinçard. Les places sont courues, demain il ne serait plus temps peut-être.
Mais, avant de sortir, il donna l’ordre au second commis d’aller à la gare prendre la malle de Denise. De son côté, madame Baudu, à laquelle la jeune fille confiait Pépé, décida qu’elle profiterait d’un moment, pour mener le petit rue des Orties, chez madame Gras, afin de causer et de s’entendre. Jean promit à sa sœur de ne pas bouger de la boutique.
— Nous en avons pour deux minutes, expliqua Baudu, pendant qu’il descendait la rue Gaillon avec sa nièce. Vinçard a créé une spécialité de soie, où il fait encore des affaires. Oh ! il a de la peine comme tout le monde, mais c’est un finaud qui joint les deux bouts par une avarice de chien… Je crois pourtant qu’il veut se retirer à cause de ses rhumatismes.
Le magasin se trouvait rue Neuve-des-Petits-Champs, près du passage Choiseul. Il était propre et clair, d’un luxe tout moderne, petit pourtant, et pauvre de marchan-