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LES ROUGON-MACQUART.

— On prévient, reprit-il en se fâchant peu à peu de sa propre dureté. Tu pouvais m’écrire, je t’aurais répondu de rester là bas… Quand j’ai appris la mort de ton père, parbleu ! je t’ai dit ce qu’on dit d’habitude. Mais tu tombes là, sans crier gare… C’est très embarrassant.

Il haussait la voix, il se soulageait. Sa femme et sa fille restaient les regards à terre, en personnes soumises qui ne se permettaient jamais d’intervenir. Cependant, tandis que Jean blêmissait, Denise avait serré contre sa poitrine Pépé terrifié. Elle laissa tomber deux grosses larmes.

— C’est bien, mon oncle, répéta-t-elle. Nous allons nous en aller.

Du coup, il se contint. Un silence embarrassé régna. Puis, il reprit d’un ton bourru :

— Je ne vous mets pas à la porte… Puisque vous êtes entrés maintenant, vous coucherez toujours en haut, ce soir. Nous verrons après.

Alors, madame Baudu et Geneviève comprirent, sur un regard, qu’elles pouvaient arranger les choses. Tout fut réglé. Il n’y avait point à s’occuper de Jean. Quant à Pépé, il serait à merveille chez madame Gras, une vieille dame qui habitait un grand rez-de-chaussée, rue des Orties, où elle prenait en pension complète des enfants jeunes, moyennant quarante francs par mois. Denise déclara qu’elle avait de quoi payer le premier mois. Il ne restait donc qu’à la placer elle-même. On lui trouverait bien une place dans le quartier.

— Est-ce que Vinçard ne demandait pas une vendeuse ? dit Geneviève.

— Tiens ! c’est vrai ! cria Baudu. Nous irons le voir après déjeuner. Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud.

Pas un client n’était venu déranger cette explication de famille. La boutique restait noire et vide. Au fond, les