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d’une autre femme, et demeure tremblante sous le premier baiser qu’il lui donne. C’en est fait ; le cœur et le corps ont parlé. Mais elle est forte encore. « Elle écarte sa chute, elle repousse ses sens. » L’amour lui rend la gaieté et l’activité ; elle se fait la domestique de la crémière, elle se voue aux intérêts de la mère et du fils. Cette époque est l’aube blanche de cette vie qui doit avoir un midi et un soir si sombres et si fangeux. Germinie, bien que souillée par une première violence, dont on ne saurait lui demander compte, a alors la pureté d’une vierge par son affection profonde, parson abnégation entière. Le mal n’est pas en elle, il est dans la mère et le fils, dans ces affreux Jupillon, canailles qui suent le vice et la honte. La mère a des tolérances calculées, des spéculations ignobles ; le fils considère l’amour comme « la satisfaction d’une certaine curiosité du mal, cherchant dans la connaissance et la possession d’une femme le droit et le plaisir de la mépriser. » C’est à ce jeune coquin que se livre la pauvre fille ; « elle se laisse arracher par l’ardeur du jeune homme ce qu’elle croyait donner d’avance à l’amour du mari. » Est-elle si coupable, et ceux qui seront tentés de lui jeter la pierre, devront-ils négliger de suivre pas à pas les faits qui la conduisent à la chute, en lui en cachant l’effroi ?

Germinie est bientôt abandonnée. Son amant court les bals des barrières, et, conduite par son cœur, elle le suit, elle va l’y chercher. La débauche ne veut pas d’elle ; elle est trop vieille. Ce que son orgueil et sa jalousie ont à souffrir, est indicible. Puis, lorsqu’elle