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muscles s’affaissent dans l’extase ; il y a une réaction terrible contre le matérialisme des premiers âges. L’humanité serait morte peut-être, si elle n’avait eu à se défendre. La féodalité, le droit de chacun contre tous, fit de nouveau une nécessité de la force corporelle. La gymnastique ressuscita sous une nouvelle forme. Les climats n’étaient plus les mêmes, les mœurs non plus. On dépouillait autrefois le corps pour l’assouplir. Au moyen âge, on le chargea de fer, on l’arma de tout un arsenal. Il fallut être fort, mais il fallut aussi être adroit. Puis, ce ne fut là que l’éducation d’une caste : les nobles seuls avaient leurs tournois, leur adolescence entièrement consacrée à l’étude de l’équitation et du maniement des armes. Le peuple n’avait d’autre exercice que le labeur incessant qui le tenait courbé sur sa besogne. Les beaux jours de la Grèce ne sont jamais revenus.

J’ai rapidement étudié, avec M. Eugène Paz, les exercices corporels chez les différents peuples, pour arriver à conclure ce qu’ils peuvent être chez nous. Si j’avais eu le temps, je me serais plu à montrer que les œuvres de l’esprit ont, dans leurs diverses manifestations, constamment suivi l’état de santé ou de maladie du corps. C’est donc ici une véritable question littéraire.

Nous voici, avec nos habits modernes, régis par des idées de civilisation, constamment protégés par les lois, portés à remplacer l’homme par la machine, ivres de savoir et d’adresse. Je le demande, quel besoin avons-nous d’être forts, d’avoir des muscles d’une