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coupable pour expliquer la colère de leur Dieu !

Cette Calixte ne vit pas en ce monde ; elle est fille de l’extase et du miracle. Il s’échappe d’elle des senteurs fades de mourante ; elle a la beauté froide et pâle de la mort. Les yeux ouverts démesurément, ce large ruban rouge qui cache la croix de son front, cette peau molle et transparente, tout cet être dissous par la maladie, jeune sans jeunesse, a un aspect chétif et malsain qui répugne. Elle a le tempérament de sa foi ; la maladie nerveuse qui la secoue explique ses extases ; il y a en elle assez d’hystérie pour faire vivre plusieurs douzaines de femmes dévotes. M. Barbey d’Aurevilly a créé là une étrange fille dont personne ne voudrait être le père ; la place de cette moribonde est dans une maison de santé et non dans une église, Heureusement, Dieu, plus doux que l’auteur, n’envoie pas de tels enfants aux hommes, même comme châtiment. Calixte est le produit d’une imagination déréglée, un cas curieux de catalepsie et de somnambulisme qu’un médecin étudierait avec joie s’il se présentait, une création artistique, si l’on veut, réussie comme étrangeté. Mais que vient faire cette folle, cette figure de légende, dans un livre qui a la prétention de discuter des faits contemporains ? On ne convainc personne avec de pareils arguments.

Quant à Néel de Néhou, il est le frère, ou plutôt la sœur de Calixte. Ce jeune homme, à bien l’examiner, est une jeune fille nerveuse. Lui aussi porte au front un signe bizarre, la veine de colère qui se gonfle et noircit dans les moments de violence. Ce personnage