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prendre à la femme de Sombreval, alors enceinte de Calixte, que son mari est un prêtre ; l’abbé Méautis est le tendre cœur qui se demande s’il doit tuer oui ou non Calixte, et qui finit par obéir au ciel et par dire à la jeune fille que son père la trompe, qu’il profane l’hostie sainte. Ainsi le meurtrier de la femme de Sombreval est l’abbé Hugon, le meurtrier de Calixte est l’abbé Méautis, et tous deux ont conscience de l’assassinat qu’ils vont commettre, et le dernier surtout, un véritable ange de douceur, accomplit le crime avec préméditation ! M. Barbey d’Aurevilly a vraiment la main heureuse, lorsqu’il choisit de fidèles ministres du Seigneur. Qu’importe la créature, elle est faite pour souffrir et pour mourir ; les intérêts du ciel avant tout. Voilà certes une religion humiliante pour l’âme et pour la volonté, injurieuse pour Dieu lui-même. Tandis que Sombreval lutte nuit et jour contre la maladie de Calixte, l’abbé Méautis se croise tranquillement les bras et attend le bon plaisir du ciel ; tandis que le père se ment à lui-même, renie toute sa force et toutes ses convictions, veut la vie de sa fille aux dépens de son être entier, il y a là un prêtre qui frappe dans l’ombre et que le ciel, à l’aide d’un miracle, charge de tuer une enfant innocente. Et M. Barbey d’Aurevilly vient nous dire ensuite que Sombreval a tué Calixte. Alors, sans doute, c’est l’abbé Méautis qui voulait la sauver. Vous êtes dans le vrai d’ailleurs : certains prêtres ont souvent de ces avis du ciel qui plongent des familles dans le deuil, et les douces âmes trouvent toujours quelque