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Je me contenterai d’avoir cité les quatre premières. Quant à la Lola de Valence, elle est célèbre par le quatrain de Charles Baudelaire, qui fut sifflé et maltraité autant que le tableau lui-même :

Entre tant de beautés que partout on peut voir,
Je comprends bien, amis, que le désir balance,
Mais on voit scintiller dans Lola de Valence
Le charme inattendu d’un bijou rose et noir.

Je ne prétends pas défendre ces vers, mais ils ont pour moi le grand mérite d’être un jugement rimé de toute la personnalité de l’artiste. Je ne sais si je force le texte. Il est parfaitement vrai que Lola de Valence est un bijou rose et noir ; le peintre ne procède déjà plus que par taches, et son Espagnole est peinte largement, par vives oppositions ; la toile entière est couverte de deux teintes.

Le tableau que je préfère, parmi ceux que je viens de nommer, est la Chanteuse des rues. Une jeune femme, bien connue sur les hauteurs du Panthéon, sort d’une brasserie en mangeant des cerises qu’elle tient dans une feuille de papier. L’œuvre entière est d’un gris doux et blond ; la nature m’y a semblé analysée avec une simplicité et une exactitude extrêmes. Une pareille page a, en dehors du sujet, une austérité qui en agrandit le cadre ; on y sent la recherche de la vérité, le labeur consciencieux d’un homme qui veut, avant tout, dire franchement ce qu’il voit.

Les deux autres tableaux, le Ballet espagnol et la