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regarder si je n’oublie pas quelque chose. Les artistes que j’aurais attaqués n’ont pas besoin de me remercier, et je fais mes excuses à ceux dont j’aurais dit du bien.

Savez-vous que ma besogne commençait à devenir fatigante ? On mettait tant de bonne foi à ne pas me comprendre, on discutait mes opinions avec une naïveté si aveugle, que je devais, dans chacun de mes articles, rétablir mon point de départ et faire voir que j’obéissais logiquement à une idée première et invincible.

J’ai dit : « Ce que je cherche surtout dans un tableau, c’est un homme et non pas un tableau. » Et encore : « L’art est composé de deux éléments : la nature, qui est l’élément fixe, et l’homme, qui est l’élément variable ; faites vrai, j’applaudis ; faites individuel, j’applaudis plus fort. » Et encore : « J’ai plus souci de la vie que de l’art. »

Devant de telles déclarations, je croyais qu’on allait comprendre mon attitude. J’affirmais que la personnalité seule faisait vivre une œuvre, je cherchais des hommes, persuadé que toute toile qui ne contient pas un tempérament, est une toile morte. Ne vous êtes-vous jamais demandé dans quels galetas allaient dormir ces milliers de tableaux qui passent par le Palais de l’Industrie ?

Je me moque bien de l’École française ! Je n’ai pas de traditions, moi ; je ne discute pas un pan de draperie, l’attitude d’un membre, l’expression d’une physionomie. Je ne saisis pas ce qu’on entend par