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posé au Salon des Refusés, et je défie nos peintres en vogue de nous donner un horizon plus large et plus empli d’air et de lumière. Oui, vous riez encore, parce que les ciels violets de M. Nazon vous ont gâtés. Il y a ici une nature bien bâtie qui doit vous déplaire. Puis nous n’avons ni la Cléopâtre en plâtre de M. Gérôme, ni les jolies personnes roses et blanches de M. Dubuffe. Nous ne trouvons malheureusement là que des personnages de tous les jours, qui ont le tort d’avoir des muscles et des os, comme tout le monde. Je comprends votre désappointement et votre gaieté, en face de cette toile ; il aurait fallu chatouiller votre regard avec des images de boîtes à gants.

J’ai revu également l’Olympia, qui a le défaut grave de ressembler à beaucoup de demoiselles que vous connaissez. Puis, n’est-ce pas ? quelle étrange manie que de peindre autrement que les autres ! Si, au moins, M. Manet avait emprunté la houppe à poudre de riz de M. Cabanel et s’il avait un peu fardé les joues et les seins d’Olympia, la jeune fille aurait été présentable. Il y a là aussi un chat qui a bien amusé le public. Il est vrai que ce chat est d’un haut comique, n’est-ce pas ? et qu’il faut être insensé pour avoir mis un chat dans ce tableau. Un chat, vous imaginez-vous cela ? Un chat noir, qui plus est. C’est très drôle… Ô mes pauvres concitoyens, avouez que vous avez l’esprit facile. Le chat légendaire d’Olympia est un indice certain du but que vous vous proposez en vous rendant au Salon. Vous allez y chercher des